
En terme de représentation des sensibilités politiques à l’Assemblée Natonale, on pourrait affirmer que finalement notre démocratie est bel et bien vivante.
Sans que la répartition des groupes Ensemble, RN et Nupes soit exactement proportionelle et si on met de côté le groupe LR avec ses 62 députés, la tripartion du paysage politique à l’assemblée est finalement cohérente avec les résultats de l’élection présidentielle.
Soit dit en passant, ne soyons pas surpris de la présence du RN à l’Assemblée dans une proportion si importante. Cela fait en effet 40 ans que nous sommes prévenus de son irrésistible ascension, mais nombre de nos responsables politiques ont préféré pratiquer la politique de l’autruche plutôt que prendre le sujet à bras le corps. La question n’est plus depuis bien longtemps de savoir si lors d’une élection le RN franchira ou pas le second tour, mais de savoir dans quelle proportion.
Le plus troublant est que pour la seconde fois depuis 1988, un gouvernement va devoir composer avec une assemblée où il n’a pas la majorité absolue. Malgrè l’inversion du calendrier électoral, le Parlement a pris sa revanche sur le gouvernement, c’est-à-dire l’exécutif. Le résultat des élections législatives est à contre courant de l’élection présidentielle.
L’élection de 2017 fut une déflagration. On pouvait penser qu’elle amenait à une stabilisation du champ politique. Mais en réalité le processus de décomposition – recomposition n’est pas à son terme.
Combien de temps résisteront 2 de ces 3 blocs composés de coalitions telle que la Majorité présidentielle et la Nupes ?
Jusqu’où la dédiabolisation réussie du RN mènera t’elle ce parti ? Et bien d’autres questions …
Ceci dit, bien que la majorité du groupe Ensemble soit certes relative avec 250 députés, n’oublions pas qu’un vote à l’Assemblée se fait sur la base des suffrages exprimés et non sur la base des 577 députés.
Ainsi, le projet de loi de finance a été voté en 2022 avec une majorité fixée à 97 car il n’y avait que 192 votants dans l’hémicycle.
Parler d’une crise institutionnelle semble donc être un terme trop fort pour décrire la situation.
La prochaine gesticulation de l’opposition pourrait être le dépôt d’une motion de censure par le groupe LFI. Pour qu’un gouvernement démissionne automatiquement suite à l’adoption d’une motion de censure, il faut que 289 députés se prononcent favorablement sur cette motion. Aujourd’hui les principales opposition LR-RN-Nupes disposent de 302 députés au total. S’entendront elles sur un texte de motion ou pas ? Cela parait difficile d’imaginer que la Nupes soit redevable de la chute du gouvernement au RN et à LR.
L’avenir n’est jamais écrit alors attendons de voir de quoi sera fait demain mais ne soyons pas tenté de croire ceux qui agitent quotidiennement les chiffons rouges depuis la fin de ces élections. Cette législature ne sera pas un long fleuve tranquille mais ne sera certainement pas non plus le chaos et le blocage. Ne perdons plutôt pas de vue que la Nupes et le RN vont être en concurrence pour apparaître comme le principal opposant en vue de 2027.
Notre démocratie est plutôt et surtout mise à mal par l’alternance entre abstention électorale et une forme de violence endémique qui ronge progressivement toute rationalité qu’exige le débat démocratique.
Nos politiques tentent d’y répondre mais en oscillant pour la plupart invariablement entre performance médiatiques, gesticulation et radicalités tentant pour certains d’aspirer cette violence contenue dans notre société mais sans pour autant transformer cette dernière en solution.
Concernant l’abstention, cette dernière n’a jamais atteint un taux aussi élevé en France que lors de ces législatives en 2022. Le nombre de votes blancs a aussi été conséquent dans certaines circonscriptions pour atteindre des taux de plus de 10%.
La crise de participation est réelle. La résoudre passera sans doute par des techniques déjà utilisées dans de nombreux pays qui ne remettent pas en cause la légitimité des élus (vote par correspondance, vote électronique, etc.).
Mais elle passera aussi et surtout par une volonté politique commune de redonner du sens et du contenu à notre démocratie représentative.
De nouveaux équilibres et de nouveaux rythmes doivent être réinventés comme peut être par exemple la décorrélation de l’élection présidentielle et de l’élection législative, dans la durée du mandat etc. La stricte limitation des mandats permettrait sans doute d’éviter l’accumulation mais aussi, permettrait peut être de garantir le renouvellement et la diversité.
Par ailleurs, le débat démocratique se réduit désormais de plus en plus aux résultats des élections. On en oublierait presque que la démocratie se nourrit avant tout du débat d’idée et d’opinion et que finalement, le vote n’est pas l’alpha et l’oméga de la démocratie.
Il manque à notre démocratie ces moments de rencontre, de prises de parole et d’échanges collectifs et citoyens contribuant au processus législatif. Cette organisation de la parole manque à tous les niveaux. Combien de fois par exemple ai-je assisté au niveau de ma commune à ces réunions de concertation qui, in fine n’étaient que des réunions d’information, verrouillées d’en haut par le pouvoir politiques et organisées par des influenceurs dont l’objectif n’était pas de discuter des leviers d’amélioration des projets, mais était de faire accepter la décision déjà prise.
La crise des gilets jaunes par exemple a permis de faire exister la convention citoyenne. Beaucoup ont raillé cette convention. Mais force est de constater que plus de 2 millions de contributions ont été produites et que des cahiers citoyens ont été ouvert dans plus de 16 000 communes. Preuve s’il en était que le peuple sait être bavard dés lors qu’on lui donne la parole.
Il ne faut pas mépriser ou délaisser cette forme de débat car lorsqu’elle est mise en place elle trouve un écho et du répondant.
Bien évidement, l’exercice de la démocratie directe ne doit pas se limiter à organiser des grands débats pour qu’in fine il n’en ressorte rien. Souvent, la parole est rude, sans filtre et avec une expertise limitée. Mais dans ces moments, la parole est authentique et porte en elle un vécu.
L’élitisme, tout comme le populisme, mais pour des raisons différentes, sont deux dangers à éviter pour la démocratie. L’un, l’élitisme, méprise le peuple et l’autre, le populisme, le flatte.
Mais la démocratie repose sur l’idée que le politique n’est ni une question de pouvoir, ni une question de savoir, mais affaire de délibération et de participation citoyenne.
« Il ne s’agit pas de savoir si un pays peut être jugé apte pour la démocratie ; un pays devient apte par la démocratie. » Amartya Sen