
Le 30 mars dernier lors du conseil municipal de Montreuil une délibération portait sur le Compte administratif 2021, une autre sur le budget 2022 (dans la suite du débat sur le DOB de février 2022) et enfin une autre sur l’augmentation de la taxe foncière.
Ainsi fonctionnent les communes. Sont présentées en début d’année les orientions budgétaires puis, peu de temps après, sont votées les orientations soient modifiées soient amendées lors des débats d’orientations préalables. Le compte administratif présentant l’état réel des recettes et des dépenses effectuées l’année N—1.
En politique comme dans beaucoup d’autres domaines, l’argent c’est le nerf de la guerre. En effet, l’argent (en l’occurrence le denier public, c’est-à-dire vos impôts) structure l’action et la gestion quotidienne d’une municipalité.
J’avais écris un article lors de la présentation du DOB en février dernier afin de présenter de manière simplifiée la structuration du budget de la ville de Montreuil. Mon intention (modeste) était de permettre à un public non averti de comprendre en quelques chiffres les rouages du fonctionnement financier d’une commune comme Montreuil. Ceci, au-delà de l’écume politicienne qui brouille souvent le fond.
En effet, la propagande (les belles photos photoshopées sur les réseaux sociaux, les annonces grandiloquentes, les articles du journal municipal, etc) ainsi que les éléments de language vernissés et policés ne servent qu’à amuser la galerie ou …. Masquer la réalité.
A Montreuil, pour les élus de la majorité « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil » .. quelque soit la météo d’ailleurs, sauf bien évidement le méchant gouvernement à l’encontre de qui le maire de Montreuil n’a de cesse d’avoir des louanges « Après le quoi qu’il en coûte, l’heure est au règlement de l’addition » (sic le Montreuillois du 31-3-22).
Effectivement, il eut été sans doute plus simple que des millions de salariés finissent au chômage sec, que des milliers d’entreprises mettent la clé sous la porte et que des pans entiers de notre économie s’effondrent lors de la crise covid ? Il est tout de même assez étonnant d’entendre un maire (communiste parait il) critiquer le « quoi qu’il en coûte » puisque cette décision d’injecter 500 milliards dans l’économie française pour la protection des entreprises et des salariés a été révélateur de la capacité de l’Etat français à protéger ses concitoyens dans un grand élan de socialisation.
Mais évidement, il est plus bénéfique d’un point de vue électoraliste dans une ville qui vote à 80% pour la gauche folklore, d’accuser le gouvernement de tous les maux sans jamais remettre en cause sa propre gestion. Surtout à mi mandat d’un 2ème mandat alors que la municipalité fait mine de découvrir la situation financière de la ville.
Mais enfin qu’importe, enfin non, pas qu’importe, mais un peu tout de même, car l’objet de cet article n’est pas de commenter ni de décrypter la communication verbale et non verbale des représentants de la municipalité de Montreuil ainsi que le contenu des éléments de language, mais bel et bien de traiter (modestement) des finances de la Ville.
Compte administratif 2021
(Le compte administratif reflète la réalité de la gestion réalisée par la municipalité l’année N-1 à une réserve près c’est que tous les postes comptables ne sont pas arrêtés ni consolidés, mais c’est une photographie de 99% de la réalité.)
Les recettes
Pour 2021, le résultat comptable, indique une progression des recettes malgrè la perte de la taxe d’habitation, (ressource la plus dynamique de la ville ces dernières années).
Les recettes ont augmenté de 6,91 M€ grâce au dynamisme des bases fiscales et d’une recette exceptionnelle de 2,22 M€ au titre des horodateurs.
Malgrè la suppression de la TH, les produits fiscaux liés à la fiscalité locale (46% des recettes) ont donc fortement augmenté de +3,56 M€ grâce à l’attractivité de Montreuil ainsi qu’une variation des bases fiscales notament celle des valeurs locatives.
La suppression de la taxe d’habitation n’a donc affectée en rien les recettes de la ville car compensée par ailleurs.
Les dotations (produits de plusieurs fonds de péréquation) sont aussi en constante augmentation avec un niveau stabilisé supérieur à 22 M€ et les dotations MGP sont stables années après années. Voilà malgrè tout une bonne nouvelle.

Dépenses de fonctionnement
Les charges de personnel (55% des dépenses de fonctionnement) augmentent de manière logique (inflation, augmentation des besoins en service public liée à l’augmentation du nombre d’habitants). En revanche, depuis 2016 les charges de fonctionnement ont augmenté de 9 M€ essentiellement du fait d’une augmentation importante de l’immobilier et des prestations de sevices.
Dépense d’investissement
Les dépenses d’investissement sont composées à 65% de dépenses équipements (32 M€), à 33% de la dette (16M€) + autres 1%. (régularisation comptable).
Les dépenses d’équipement représentent le véritable investissement concourrant à entretenir des bâtiments ou infrastructure ou pour développer la ville.

L’insuffisance des dépenses d’équipement investies entre 2015 et 2017 montrent leur limites et expliquent en partie l’état de la ville notamment en ce qui concerne la propreté et les voiries quelques peu décrépies par endroits. Le retard à rattraper en la matière est très important.
Sur les 32 M€ d’investissement, 12 M€ concernent quand même les espaces publics dont la plupart des aménagements ont été pour certains réalisés en dépit du bon sens ou de manière inutile voire même au détriment de la sécurité comme ceux de la Croix de Chavaux.
Certains investissements comme les 800 k€ destinés à la Tranquilité publique ne concernent en réalité que le déploiement de la vidéo protection et ne sont pas à la hauteur des promesses de campagne liées au cadre de vie.
Rappelons la promesse de campagne d’augmenter jusqu’à 40 le nombre de policiers municipaux. Seulement, au bout de 2 ans de mandat, ce n’est pas une à une progression à laquelle nous assistons mais à une diminution de 3 postes en effectif (12 à 9).
Par ailleurs, dans bon nombre d’endroits de la ville où des caméras de verbalisation ont été déployées, la situation au quotidien ne s’améliore guère.
La dette
L’emprunt reste pour 1/3 la source de financement pour couvrir les dépenses. Environ 15 à 16 M€ / an.
En réalité l’épargne annuelle (environ 22M€ brute) de la ville ne sert qu’un rembourser l’emprunt de la dette. Sans emprunt, la municipalité ne pourrait subvenir aux besoins mais en même temps le niveau des emprunts diminue fortement sa capacité d’investissement et ses marges de manœuvre.
Par ailleurs, il convient d’être prudent dans l’analyse de l’encours de la dette qui nous est présenté comme étant amélioré d’année et année. Une partie de cette affirmation est vraie : l’encourt a diminué de 6 millions depuis 2015. Mais il faut rappeler que cet encourt s’est envolé de 40M€ entre 2014 et 2015 !
Enfin, et cela aurait pu être l’introduction de ce chapitre, il aurait peut être été éclairant de débuter en dressant un bilan des actions menées (ou non menées plutôt serait le terme exact) par la Municipalité en 2021 dans la suite de l’adoption du budget 2021 en mars 2021.
Parmis les principales orientations structurantes du budget 2021 avaient été notamment voté :
- Un plan alimentaire de territoire, répondant à la promesse de campagne de construire une cuisine centrale bio permettant d’alimenter les 8 000 repas quotidien dans les écoles de la ville. Force est de constater qu’à ce jour, aucune étude sérieuse n’a été engagée dans ce domaine.
- Le renforcement de la police municipale afin d’améliorer la tranquilité publique et le cadre de vie des montreuillois. Rappelons un effectif de PM de 7 agents seulements en mars 2021. Il était prévu un recrutement permettant l’embauche de 14 PM supplémentaires. Actuellement l’effectif est seulement de 9 agents alors que la promesse de campagne de 2020 portait sur l’emploi de 40 policiers municipaux pendant le mandat. Au rythme actuel il est facile de comprendre qu’en fin de mandat cette promesse de campagne risque malheureusement de ne pas être tenue. D’autres villes de Seine Saint Denis réussissent pourtant à recruter et à conserver leur effectif de PM. L’idéologie consistant à ne pas vouloir armer la police notamment ne favorise pas les recrutements à Montreuil par exemple. Et malgrè l’investissement dans des caméras, rien n’est plus rassurant et efficace que la présence sur le terrain de l’autorité publique.
Je ne souhaite pas non plus forcément revenir sur la non réalisation d’autres promesses de campagne faites en 2020 mais force est de constater à la lecture du compte administratif que beaucoup n’ont pas été tenues :
- Création d’une maison des cultures urbaines à la place de l’ancien Méliés.
- Réalisation d’une médiathèque place des Ruffins.
- Service public de la cantine scolaire : Retour à une cuisine municipale pour offrir aux enfants une alimentation plus saine et plus durable axée sur le bio et les circuits-courts, et une éducation nutritionnelle.
- Gratuité de la cantine pour les familles à faibles revenus.
- Création d’une brigade de vie nocturne
- Augmentation à 40 policiers municipaux.
Pourquoi avoir fait de telles promesses au demeurant structurante pour le quotidien des montreuillois, alors même que la santé financière de la ville était connue depuis un mandat ?
Le plus inquiétant est que la capacité d’investissement annuelle ne progresse pas de manière à répondre aux besoins nécessités par l’acroissement démographique de la ville notamment. Elle n’est que de 30 à 35 M €/an depuis des année sans augmentation. Et rappelons qu’un emprunt annuel d’environ 15 M€ permet cette capacité d’investissement.
Budget 2022
Une fois passé le compte administratif, c’est l’examen du budget 2022 .
Un budget terne à l’image de celui de 2021, sans projet phare autre que celui de tenter de « joindre les deux bouts » pour assurer le minimum vital c’est à dire l’entretien des bâtiments, des espaces publics ou des voiries. Et toujours pas un mot sur des axes de propositions pour réduire certaines dépenses ou organiser de manière plus rationnelle le service public sur le territoire.
Une des réalités, c’est que la ville devrait investir 40 M€ par an jusqu’à la fin du mandat pour assurer notamment la construction des équipements publics nécessaire face à l’augmentation constante de la population.
Et, la seule décision pour atteindre cet objectif, c’est d’augmenter le taux de Taxe Fonçière pour augmenter les recettes de 5,8 M€ en 2022. Rappelons qu’une des promesses de campagne était aussi la non augmentation de la taxe foncière … une de plus une de moins me direz vous on est pas à cela près.
D’ailleurs ce n’est pas de 5,8 M€ que la TF va augmenter c’est de près de 9 M€, notamment par le biais d’environ 3,2 M€ liée à une agmentation mécanique des bases locatives. Et donc in fine le contribuable va voir sa TF augmenter de près de 6,20 % au total. Montreuil se retrouvant ainsi parmis les villes de Seine Saint Denis où le taux TF est le plus important.
Le plus cocasse, si je peux m’exprimer ainsi, est que cette décision nous est justifiée par le fait que la Taxe d’Habitation supprimée par le gouvernement a permis aux propriétaires de réaliser des économies ! Le gouvernement redonne du pouvoir d’achat aux classes moyennes et populaires et voilà que la municipalité de Montreuil leur retire cet acquis juste après…..
Mais, Montreuilloises et Montreuillois propriétaires estimez vous heureux car « le montant correspondant à l’augmentation de la TF est inférieur à l’économie réalisé par la suppression de la TH » (sic le Montreuillois du 31-3-22).
Il fallait quand même la trouver celle là et quelque part, c’est assez rassurant de voir le haut niveau de compétence des communiquants qui écrivent ce genre de phrase.
Et ceci sans rappeler que contrairement à ce qui est publié dans le Montreuillois ou sur les réseaux sociaux, la suppression de la Taxe d’Habitation n’a pas entrainé de perte à gagner pour la ville mais au contraire une augmentation des recettes fiscales (cf. plus haut dans cet article).
Avec la hausse récente des coûts de l’énergie, nombre de propriétaires aux faibles revenus vont être mis en difficulté. Prenant le seul exemple d’un quartier populaire comme Branly Boissière, 38% des habitants sont propriétaires, 76% des habitants sont ouvriers, employés ou professions intermédiaires et le salaire moyen d’un ménage est seulement de 26 300 €/an. Tous les propriétaires ne sont donc pas riches en fait.
L’impôt c’est bien , c’est nécessaire et c’est un marqueur de solidarité, c’est indéniable. Mais face à cette augmentation subite de la TF, dans le cas particulier de Montreuil on peut s’interroger sur la légitimité de cette augmentation lorsqu’on voit par ailleurs certaines dépenses pharaoniques engagées dans la communication par exemple (publications du Montreuillois à 1 344 000 exemplaires par an !, concerts et festivités en tout genre, ateliers citoyens etc.).
L’amélioration des recettes ne passent pas que par l’augmentation des impôts mais aussi et surtout par une meilleure gestion du denier public.
Mais, haut les cœurs ! car si vous lisez le Montreuillois, vous serez con-vaincus (ou les deux à fois) de la nécessité d’augmenter cette TF.
Il est en effet écrit que « les espaces publics continueront d’être rénovés afin d’affronter le changement climatique ». On peut en douter lorsqu’on voit le taux de minéralisation des nouveaux aménagement comme la place de Ruffins.
Mais il est aussi écrit que « L’avenir sera préservé ». Là on est un peu plus inquiet lorsqu’on constate l’immobilisme pour réduire les dépenses, diminuer l’endettement ou encore offrir un service public à la hauteur des impôts et que l’augmentation des recettes ne passe que par l’augmentation des impôts. On se demande ce qu’il restera comme levier à la ville de Montreuil à l’avenir.