La question de la gestion publique ou privée de l’eau potable est tout sauf un sujet qui doit être envisagé sous la seule lorgnette idéologique.
La question est multiple : technique, financière, sociale et démocratique.
Depuis 2015, les EPT sont devenus compétents en matière de gestion de l’eau potable. La compétence est alors transférée des communes aux territoires avec application en 2020. Est Ensemble est ainsi substitué aux communes et devenait ainsi compétent pour décider de prolonger ou non l’adhésion au SEDIF au 31 décembre 2017.
Depuis le 31 décembre 2017, Est Ensemble a réhadéré au SEDIF pour les communes de Bobigny et Noisy le Sec.
Pour les autres villes – dont Montreuil – Est Ensemble a adopté une convention de coopération avec le SEDIF qui prend fin en décembre 2020.
La votation citoyenne organisée par Montreuil en 2019, un folklore de démocratie
La ville de Montreuil a organisé une consultation citoyenne en juin 2019.
Une information la plus complète possible sera donnée aux habitants au cours d’une réunion publique organisée le jeudi 20 juin (salle des fêtes de l’Hôtel de ville – 19h) afin que les habitants soient en mesure de répondre aux 4 questions posées :
- Pensez-vous que la question de l’eau est un enjeu écologique essentiel pour les années à venir ?
- Selon vous, l’eau est-elle une marchandise comme les autres ?
- Savez-vous que l’eau, sur le territoire d’Est Ensemble, est distribuée par délégation de service public par une entreprise privée ?
- Êtes-vous pour la création d’une régie publique de l’eau sur le territoire d’Est Ensemble ?
En tant que citoyen, le contenu des questions a de quoi laissé dubitatif. Comment en effet répondre négativement à la première question ? Pourquoi poser par ailleurs un cadre d’opposition idéologique entre public et privé ? La question du bien commun devrait conduire plutôt à envisager le sujet sous l’angle de l’utilité pour le consommateur et de l’intérêt général. Que l’emploi soit de nature privé ou public, le consommateur, le citoyen attend seulement un service de qualité à moindre frais.
A aucun moment n’est posé le cadre des enjeux pour le consommateur et n’est demandé aux habitants de se prononcer sur la base de données chiffrées, d’études comparatives des différents scénarii.
Seulement 2 619 suffrages exprimés dont 2 548 pour une régie publique dans les conditions des questions formulées ci-dessus. 97% des votants se sont donc prononcé « pour une régie publique de l’eau » mais sur la base d’un corps électoral de 47 000 inscrits, cela ne représente moins de 6% des Montreuillois !
Sans même avoir un avis sur le mode de gestion de l’eau, comment penser que ce résultat est légitime avec une si faible proportion de votants et asseoir une décision démocratique qui va engager Est Ensemble pour des décennies ?
Et depuis ?
En cette fin d’année 2020, Est Ensemble doit donc de nouveau se prononcer sur une réadhésion ou non au SEDIF.
Le 02 novembre, le Président d’Est Ensemble (et Maire de Montreuil) a pris la décision d’annuler la présentation de cette décision en assemblée plénière d’Est Ensemble et de la reporter car « il apparaît clairement que sur les aspects les plus importants, de nombreux éléments structurants méritent et nécessitent d’être encore approfondis…. ».
La question de la ré adhésion au SEDIF est donc reportée au 30 septembre 2021.
Il est donc inapproprié de claironner comme certains élus « qu’Est ensemble n’a pas ré adhéré au SEDIF » car, en réalité Est ensemble prolonge la convention d’un an.
C’est jouer sur la sémantique et donc faire de cette question une question politicienne alors que cette question de bien commun et d’intérêt général devrait être traitée avec toute la transparence, la pédagogie et la rigueur que la démocratie exige. Mais passons sur le fait que certains membres de la majorité à Montreuil n’effleurent cette question que par l’angle idéologique. Pour certains c’est une marque de fabrique.
La décision de report prise par le Président d’Est Ensemble peut donc apparaître comme une décision en responsabilité.
Oui, l’eau est un bien commun et une question cruciale d’un point de vue écologique. L’évidence est tellement criante que la question ne mérite même pas d’être posée.
Mais à qualité d’eau potable identique, la question est aussi à quel prix ?
Sans rentrer dans le détail technique, une question épineuse ne doit pas être éludée : celle de l’investissement financier relative à la déconnexion des réseaux existants du SEDIF. Deux solutions : une déconnexion réelle (réseaux séparés des réseaux existants) ou déconnexion virtuelle (approvisionnement dans les réseaux existants avec un calcul à la quote part. Avant que ces nouveaux approvisionnements ne soient mis en place, l’eau continuerait du reste à être achetée au Sedif puis éventuellement à des régies publiques existantes comme Eau de Paris.
En termes financiers, les niveaux d’investissements sont sans commune mesure entre une solution 100% régie publique (se chiffrant en dizaines de millions d’euros en cas de séparation des réseaux) ou une solution mixte (quelques millions d’euros en cas de déconnexion virtuelle). Car en cas de déconnexion réelle, les territoires ne pourront pas récupérer tous les tuyaux des périmètres concernés.
La position du SEDIF n’est pas non plus des plus constructives puisque ce dernier refuse en gros de négocier le prix d’une sortie, évacue la solution déconnexion virtuelle et fait pression en rappelant que le nouveau mode gestion du SEDIF doit être revu en juin 2021.
Sortie de ces postures politiciennes des uns et des autres, on peut prendre pour exemple et retours d’expérience celui de la Régie Eau des lacs de l’essonne où les réseaux sont interconnectés à ceux du SEDIF, Suez et Eau de Paris. La mise en place de compteurs permettant simplement de compter ce qui est réellement consommé. Un exemple où le prix de l’eau a baissé après passage en régie. D’autres exemples de passages en régie comme celui de Lyon n’ont pas amené de baisse du prix de l’eau.
L’eau n’est ni de droite, ni de gauche, il s’agit d’un bien commun à préserver tous ensemble pour les générations à venir.
Le prisme de décision ne doit donc pas être ramené de manière simpliste à la question de savoir si on est pour ou contre le service public ou le service privé. Il s’agit d’une vraie question de démocratie, de transparence et de défense de l’intérêt général au profit des seuls citoyens. Puisse les élu d’Est Ensemble garder à l’esprit cette ligne de conduite.