La fraternité apparait aujourd’hui comme portion congrue aux yeux de l’opinion publique malgré quelques sursauts de ferveurs collectives comme ceux suite à l’assassinat de Samuel Paty, la commération du massacre de l’équipe de Charlie Hebdo ou encore les attentats antisémites de l’hyper cacher.
La moitié des français placent la liberté comme le terme le plus important à leurs yeux, un tiers l’égalité et enfin seulement un français sur dix estime que la fraternité est essentielle.
Et pourtant, la devise inscrite aux frontons de notre République n’est pas écrite verticalement, ce qui pourrait laisser supposer une hierarchie, …. mais horizontalement, mettant ainsi au même niveau ces trois valeurs et principes.

La fraternité apparait dés 1793 sur le fronton de l’hôtel de Ville, imposée par la Commune « La république une et indivisible – Liberté, Egalité, Fraternité ou la mort ». Ce n’est pourtant qu’en 1848 sous la deuxième république que la Fraternité associé à la devis Liberté, Egalité s’impose dans la constitution pour être effacée par le retours du Second Empire et revenir de manière stable sous la troisième République en 1880 et être inscrite durablement par la Constitution de 1946.
Ce fut le terme le plus délicat à intégrer au tryptique fondamental de notre République tant les interprétations et origines de ce terme furent multiples.
Cette valeur est aussi définitivement ancrée dans la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948 « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres en esprit de fraternité »
En 2018, le Conseil Constitutionnel français reconnait le troisième terme de la devise républicaine comme principe à valeur constitutionelle.
Contrairement, ou plutôt de manière complémentaire à la Liberté et à l’Egalité, la Fraternité est une obligation morale et non une obligation légale.
Edgar Morin disait : « la liberté peut être instituée. L’égalité peut être imposée. Mais la fraternité ne s’établit pas par une loi, ni ne s’impose par l’État ! »
La Fraternité n’a pas force de loi et n’est pas non plus un acte spontané.
Néanmoins notre République porte en elle ce projet d’union nécessaire entre les être humains, pré requis aux valeurs de respect, de tolérance et de solidarité innérentes à la paix de notre communauté.
L’égalité, si imparfaite voir parfois impossible soit elle, est néanmoins nécessaire car une société inégalitaire est vouée aux tensions et entraine un sentiment d’injustice. L’égalité c’est d’abord être égaux en droits et en devoirs, ce qui permet la liberté. C’est aussi d’égalité des chances dont il est question : chacun est différent, mais le système doit offrir à tous les mêmes chances de réussite.
Néanmoins, on sent bien qu’un excès d’égalité qui se fonderait dans une recherche d’uniformité nuirait à la liberté. Le meilleur exemple n’est il pas celui des anciens régimes derrière le rideau de fer ?
A l’inverse, la liberté menée jusqu’à l’individualisme mène invariablement à un creusement des inégalités comme nous le constatons dans les sociétés ou règne le libéralisme. Pour employer les mots de Paul Bert, l’excès de liberté conduit à l’égoïsme. Nous pourrions ajouter que l’excès d’égalité mène à l’égalitarisme donc à la privation de la liberté dont la première possibilité est d’être ce que nous sommes, ce qui nous défini comme être unique.
Il revient alors à la Fraternité de constituer ce lien d’équilibre entre liberté et égalité, de les réconcilier tout en les mettant dans une même perspective afin de préserver le contrat social de notre République.
La fraternité englobe mais dépasse dans sa valeur universaliste et humaniste la notion de solidarité qui elle, a pour objet de réduire les inégalités. Une société fraternelle est une société ou chacun prend soin de l’autre, de tout autre.
La fraternité implique donc un contact immédiat avec les personnes, la reconnaissance de l’autre qu’il soit différent de moi ou égal à moi. Différent parce que chacun est unique. Égal parce qu’au fond nous sommes toutes et tous de la même famille : l’humanité.
Ne soyons pas naïfs non plus pour autant. Nous voyons effectivement que dans beaucoup de pays les libertés reculent, les inégalités se creusent et la fraternité recule.
Nos société démocratiques ne sont pas non plus épargnées. Sur fonde crise sanitaire mondiale, en France, pas un jour ne se passe sans qu’une polémique ne surgisse, savament entretenue par certains médias ou responsables politiques.
La radicalité devient même parfois de plus en plus le champ d’expression supplantant le débat démocratique. Le discours de la rupture est mis au premier plan par des responsables politiques. Un processus de radicalisation de la vie et de l’action politique entrainant inévitablement une fragmentation communautaire, s’installe progressivement au détriment du débat.
Or la radicalisation est l’ennemi de la fraternité dans le sens où elle pose en postulat que la différence doit être envisagée comme une rupture et un affrontement.
La radicalité c’est l’exact opposé de la capacité à se mettre à la place de l’autre, à considérer l’avis de l’autre non pas comme adverse mais mais complémentaire. C’est l’opposé de la Fraternité.
Car c’est bien cette capacité à se mettre à la place de l’autre qui est le moteur de la compréhension, de la bienveillance et de l’apaisement.
Refusons que la Fraternité soit reléguée en second plan, qu’elle soit l’oubliée de notre devise nationale dans un monde devenu de plus en plus individualiste.
Face à ce tumulte et en opposition à celles et ceux qui veulent nous diviser, interrogeons nous sur ce qui fait que chacun de nous est un tout indivisible non pas « à cause de » mais « grâce à » nos origines, notre culture, notre éducation, notre religion, nos préférences sexuelles, nos modes de vie et de consommation.
Interrogeons nous sur les différences qui doivent nous relier et non pas nous diviser.
La Fraternité est un combat. Assumons le collectivement.
« La fraternité a pour résultat de diminuer les inégalités tout en préservant ce qui est précieux dans la différence. » Albert Jacquard